mardi 11 janvier 2011

"Pas encore prêt", présentation dans "La Marseillaise"

La mort à vif, par Denis Bonneville

Après un subtil montage de textes de Tchekhov, Aurélie Leroux et ses complices de la Cie d’A-côté retrouvent le plateau des Bernardines avec « Pas encore prêt ».

En 2008, quelques saisons après leur sortie de l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes, les jeunes comédiens de la Cie d’A-côté proposaient aux Bernardines une plongée magnifique dans l’œuvre d’Anton Tchekhov, un voyage très personnel et bien nommé - Tâtez-là si j’ai le cœur qui bat- repris l’année suivante au théâtre de la Bastille à Paris. Déjà, avec humilité mais personnalité, Aurélie Leroux, cheftaine d’un collectif où, d’évidence, chacun apporte sa pierre, y déployait un souci de se placer, justement, « à côté » de la production habituelle, explorant d’autres linéarités, assumant un onirisme qui laisse une place prépondérante à l’imaginaire du spectateur.
1 an de plus, 1 an de moins
Si elle inscrit leur nouveau projet, créé ce soir sur le plateau des Bernardines, coproducteur fidèle, « dans la lignée » du précédent, si elle affirme vouloir « creuser les mêmes choses, poursuivre notre tout petit chemin », le pari de Pas encore prêt va pourtant au-delà, en ne s’appuyant pas sur une « œuvre théâtrale » référencée. « Nous voulions parler de la mort. D’emblée, ça nous semblait prétentieux, on se demandait comment, si jeunes, si peu expérimentés, on pouvait se permettre de construire un spectacle là-dessus, mais le désir a été plus fort, justement parce que, dans un monde qui nous rend prisonniers de la rapidité, de la rentabilité, le souci d’efficacité nous pousse à exclure la mort, à la mettre "à côté". » Comment faire ? « On a voulu partir faire des interviews dans les rues, au hasard, chacun dans son quartier, et récolter des phrases, en posant des questions très naïves et très brutales sur le sujet ; très vite, on s’est faits jeter ! », se souvient-elle, en souriant. « Et puis on a imaginé d’autres questions, un peu détournées, comme "fêtez-vous votre anniversaire ?"; et là, les langues se déliaient, les gens très vite revenaient à notre sujet, à la mort, "un anniversaire, c’est plutôt un an de moins qu’un an de plus…". On recevait des réponses très belles, parfois étranges… Par exemple, la fête qui évoque le plus la mort chez les gens, c’est Noël, parce que d’une année sur l’autre, s’opère le décompte des naissances et des morts de l’année… »
Mort créatrice
« Je sais que c’est pas énorme, comme discours politique, mais c’est ce dont j’ai besoin sur un plateau… », affiche la jeune femme qui a, avant tout, voulu « sortir de nos petites expériences de théâtreux, éviter les références à la mort dans les grands classiques, les Tchekhov, les Shakespeare… » La science a été le matériau idéal, après une rencontre avec le chercheur marseillais Pierre Golstein, qui a consacré une grande part de ses recherches aux mécanismes de « mort cellulaire » programmée : « C’est véritablement passionnant de se rendre compte que, chaque seconde, un milliard de cellules de notre corps doit mourir pour que d’autres puissent naître ; cette "mort créatrice", qui implique que, chimiquement, nous sommes sans cesse quelqu’un d’autre, de seconde en seconde, que l’on est en quelque sorte toujours "en sursis", nous a entraînés vers d’autres questionnements. Par exemple, si nous sommes toujours en train de "muter", comment se fait-il que, finalement, notre apparence reste la même, et évolue finalement si lentement… », poursuit-elle, s’appuyant particulièrement sur La sculpture du vivant, de Jean-Claude Ameisen. La mort n’est donc plus seulement une échéance fatale, une perspective morbide, mais deviendrait ainsi « un matériau indispensable à la vie ». Au fil des improvisations et des mises en situation, en résidences à Marseille mais aussi à la Fonderie du Mans et à l’Etang des Aulnes, les comédiens s’orientent naturellement vers d’autres terrains de jeu, s’abreuvent à d’autres sources, des chansons de Jeanne Moreau ou Brigitte Fontaine, ou les contes de Grimm, « avec leur cruauté, leur brutalité, mais aussi la porosité qu’ils entretiennent entre le rêve et la réalité ». Une « perturbation de frontières » qui, au-delà des gestes et des mots, s’inscrira dans l’univers sonore et surtout la scénographie conçus avec Thomas Fourneau, « blanche, comme un laboratoire scientifique, ou une salle d’attente, entre draps blancs et plastiques transparents… »
Fragile, beau et dérisoire
Autre « nourriture », le dernier film d’Akira Kurosawa, Madadayo, traduit par « pas encore prêt » : « C’est l’histoire d’un vieil homme qui voit approcher la mort et fait de chaque instant de son quotidien une véritable fête. C’est ce vers quoi on tend, ce que l’on espère : qu’en quittant la salle, j’aimerais que les spectateurs se disent "on est encore vivants !" »
Une vie en perpétuel mouvement, au cœur de ce spectacle « presque chorégraphié » où le sextuor « se réorganise constamment, chacun réagissant sans cesse aux gestes et aux paroles des autres », et plutôt que des rôles, « reconvoque » des anecdotes, des éclats d’existence, furtifs mais marquants, « un Noël, une grand-mère, un mariage… » Un spectacle qu’ils ont voulu « beau, fragile et dérisoire, comme la vie ». DENIS BONNEVILLE

http://www.lamarseillaise.fr/th-tre-humour/la-mort-vif.html

"Pas encore prêt" dans le magazine de Mécènes du Sud

La mort pour sculpter la vie, les vivants pour dompter le temps
par Jan Cyril Salemi

Du 11 au 22 janvier 2011, le Théâtre des Bernardines, à Marseille, accueille Pas encore prêt, la nouvelle création de la Compagnie d’A Côté. Fondée en 2004, cette compagnie rassemble à l’origine six jeunes comédiens issus de l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes (ERAC). Au fil du temps, le cercle s’élargit, et la troupe s’associe à de nouvelles personnes pour faire évoluer son travail. En 2008, déjà aux Bernardines, elle a proposé une création en forme de voyage à travers l’œuvre d’Anton Tcheckhov. Le spectacle, Tâtez là si j’ai le coeur qui bat, est repris l’année suivante au Théâtre de la Bastille à Paris.

Pour lire la suite, suivez le lien...

http://www.mecenesdusud.fr/spip.php?article73